Mariannick Saint-Céran - We want Nina!
Mariannick Saint CERAN entourée de Marc Campo, Cedrick Bec, Lionel Elbaz et Lamine Diagne |
C'est toujours un exercice difficile de reprendre le répertoire d'une icône telle que Nina Simone, tant le personnage a laissé une empreinte indélébile par sa voix, son talent et l'engagement politique qui émane de certaines des paroles de ses chansons. Pour un non anglophone, il est souvent très difficile de saisir en profondeur la puissance des textes et les idées sous-jacentes qu'ils véhiculent et de nombreuses chansons de Nina Simone sont empreintes des souffrances et des aspirations de la société noire américaine, ce que Mariannick n'a pas omis de rappeler en introduisant chacune des chansons par quelques mots la resituant dans son contexte.
I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free |
Mariannick Saint Céran convaincante interprète de Nina Simone |
Bien que la plupart des titres soient connus du public, une oreille francophone aura tendance à s'attacher plus à la mélodie qu'à la compréhension des paroles dont la diction vient alors en complément de la partition instrumentale. Peut-être MSC a-t-elle fait ce constat, en introduisant du ska dans certains des titres chantés et en faisant la part belle, dans chacun de ces standards à ses différents solistes, donnant ainsi à la mélodie un rôle aussi important que les textes pour ceux qui n'ont pas la compréhension de la langue anglaise.
Four Women (extrait) |
Cette chanson, qui raconte l'histoire de quatre femmes afro-américaines différentes, illustre bien l'engagement de Nina Simone. Chacun des quatre personnages représente un stéréotype afro-américain dans la société. |
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My skin is black
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La première des quatre femmes décrites dans la chanson est "Tante Sarah" un personnage qui représente l'esclavage afro-américain. La description de Nina Simone de la femme souligne ses aspects forts et résilients, "assez fort pour supporter la douleur", ainsi que la longue souffrance que ces êtres ont eu à endurer, "infligé encore et encore". Tante Sarah renvoie également l'image de la servante, attachée aux tâches ménagères et jouant un rôle maternel avec les enfants blancs de la maison.
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My skin is yellow
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La deuxième femme qui apparaît dans la chanson est surnommée "Safronia", une femme métissée ("ma peau est jaune") forcé de vivre "entre deux mondes". Elle est décrite comme une femme opprimée et son histoire est à nouveau utilisée pour mettre en évidence les souffrances des Noirs aux mains des Blancs en position de pouvoir ("Mon père était riche et blanc / Il a forcé ma mère un soir tard") . | |||
My skin is tan
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La troisième femme est le portrait d'une prostituée dénommée "Sweet Thing". Elle est acceptée aussi bien par les Blancs que les Noirs, non seulement parce que «mes cheveux sont bien», mais aussi parce qu'elle fournit le plaisir sexuel ("De qui suis-je la petite amie? / Toute personne qui a de l'argent pour m'acheter"). | |||
My skin is brown |
La quatrième et dernière femme est très rude, aigrie par les générations d'oppression et les souffrances endurées par son peuple ("Je suis terriblement amère aujourd'hui/Parce que mes parents étaient des esclaves"). Simone dévoile enfin le nom de la femme après une finale dramatique au cours de laquelle elle crie, "Mon nom est Peaches!" |
Lamine Diagne | Cedrick Bec | Marc campo | |
Lionel Elbaz |
Grâce à la qualité des arrangements proposés, Mariannick a su imprimer son propre style dans l'interprétation des titres choisis sans jamais essayer d'imiter la Diva, en s'attachant, par le choix des titres interprétés, à nous donner un aperçu de la palette de sensibilités et de préoccupations d'une artiste engagée dans la défense des droits dont tout être humain doit disposer. Une transposition que l'on peut qualifier de très réussie.
Un final très chaleureux avec le public rassemblé autour de la scène |
Feeling Good
Be my Husband
My Baby just cares
Work Song
I wish i knew it would feel to be free
Old Jim Crow
Mercy, mercy, mercy
Love me or leave me
Four Women
Née à Tamatave (Madagascar), d'origine réunionnaise, elle fut formée à la musique traditionnelle réunionnaise par sa famille. Mariannick a 8 ans lorsque son père décide de venir s'établir en France à Aix en Provence. | |
Après avoir obtenu son bac, elle s'inscrit à la faculté pour entamer des études supérieures, mais parallèlement elle se met à prendre des cours de danse à claquettes et finit par délaisser ses études. C'est alors qu'elle rencontre Jean-Yves Mestre magnifique guitariste de musique brésilienne avec qui elle commence à chanter dans les restaurants. Le début des années 80 voit ses premières apparitions sur scène en tant que danseuse à claquettes et chanteuse au sein de groupes de salsa et de musique brésilienne. Dans cette décennie, elle fera l'apprentissage du piano-jazz auprès de Magalie Souriau (actuellement pianiste et arrangeur à New-York) et du chant classique avec Georges Combes et Laure Florentin, tout en suivant pendant un an des cours de solfège classique au Conservatoire de Marseille. |
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Elle intègrera ensuite plusieurs Big Bands en tant que chanteuse et se produira dans de nombreux festivals ainsi que dans de nombreux clubs parisiens. |
Ses collaborations artistiques sont nombreuses : Benny Green, Ivan Jullien, Guy Lafitte, Rodney Kendrick (pianiste d’Abbey Lincoln), David Kikoski (pianiste de Roy Haynes), Dany Doriz, Olivier Temime, Stéphane et Lionel Belmondo (invité de son premier CD "Raphaëlle"), Bobby Durham, Gary Wiggins (avec lequel elle tourne régulièrement), Hervé Sellin ( pianiste de Dee Dee Bridgewater), Marcia Maria.
Marc CAMPO (Guitare): Guitariste et chanteur, auteur, compositeur et arrangeur, est né en Tunisie. Il débute la musique par la guitare à 17 ans en autodidacte, et joue du blues et devient professionnel à 21 ans. Il arpente les scènes de festivals, salles, clubs en tous genres. Il participe à de nombreux projets musicaux dont « WE WANT NINA » avec Mariannick SAINT-CERAN
Cédrick BEC (Batterie): Premier prix de Conservatoire et batteur aux multiples expériences, s’est produit sur de nombreuses scènes nationales et internationales avec , entre autres artistes, Mariannick SAINT-CERAN, Gustavo OVALES, Olivier TEMIME, Jérome BARDE, Alexandre TASSEL, Yaron HERMAN, Jean-loup LONGNON, Hervé SELLIN, Pierre BOUSSAGUET, François MOUTIN, Chris CHEEK, Seamus BLAKE, Tim LEVEBVRE, Olivier SENS, Orlando POLEO, Wynton MARSALIS, Antonio FARAO, Ben ARONOV, Chuck ISRAEL, etc.
Laurent ELBAZ (Orgue): Pianiste, compositeur, arrangeur, orchestrateur, Laurent Elbaz enseigne la Formation musicale classique et Jazz au Conservatoire de Marseille, Les musiques actuelles à la Cité de la musique de Marseille, et intervient en tant que formateur au Cefedem-sud d’Aubagne dans le cadre de la formation au D.E. de musique.
Ses collaborations avec divers groupes et artistes classiques, Jazz et World, le conduisent à se produire sur les scènes françaises et étrangères avec diverses formations, le groupe "Blue Turtles", Le T.G.G.G. (Chœur Gospel), Trio Jazz, etc.
Lamine Diagne (Saxophone): Lamine Diagne saxophone Marseillais d’adoption, Lamine a étudié les arts plastiques, (Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg), et la musique (Conservatoire de Marseille, saxophones, et flûte Jazz). Lamine est un artiste polyvalent, conteur, multi instrumentiste, réalisateur, auteur, interprète. En tant que musicien, il collabore régulièrement avec des artistes de renom (Habib Faye, Youssou N’Dour...); il accompagne divers groupes sur des scènes internationales: Festival international de Jazz de Montréal, Festival de Jazz de Saint Louis (Sénégal) , Street festival de Toronto, festival d’été de Québec, Festival de jazz de Rognonas «Jazz au Château» ; Festival de Jazz des Cinq Continents de Marseille...
Nina Simone
Le talent prodigieux de Nina Simone (née le 21 février 1933 sous le nom d'Eunice Kathleen Waymon) s'est révélé dès l'âge de trois ans lorsque celle-ci commença à jouer du piano "à l'oreille". Ses parents, très engagés en religion ne purent ignorer ce don que Dieu avait accordé à leur fille, et l'élevèrent dans la distinction du bien et du mal, l'engageant à se comporter dignement et à travailler assidûment. C'est dans l'église méthodiste de sa mère qu'au piano elle afficha très tôt son incroyable talent, bien qu'à cette époque elle ne chantait pas. Capable de jouer n'importe quel morceau sans en connaître la partition, elle se mit rapidement à l'étude de la musique classique et tomba sous le charme de Bach, Chopin, Brahms, Beethoven et Shubert. Elle réussit à obtenir une bourse pour intégrer la Juilliard school de New York, avant de candidater pour le prestigieux Institut de musique Curtis à Philadelphie, qui refusa sa candidature, ruinant son rêve de devenir une des premières afro-américaines à faire carrière dans la musique classique. Dans son esprit il ne faisait aucun doute que ce rejet n'était que le reflet du racisme, et cependant ce revers allait la conduire à connaître une incroyable carrière internationale sous le nom de Nina Simone, presque par défaut. |
Pour survivre, elle commença par enseigner la musique à des étudiants locaux, puis, pour améliorer ses revenus en 1954, se décida à passer une audition dans un bar restaurant d'Atlantic City où elle créa ses propres versions de chansons en vogue de Cole Porter, Richard Rodgers et George Gershwin, en les enrichissant de sa perception du blues, du jazz et de la musique classique. Sa voix de velours riche et profonde, associée à sa maîtrise du clavier, attirèrent bientôt les assidus des nombreux clubs de la côte est. Pour cacher le fait qu'elle chantait dans des bars, ce que sa mère qualifiait de "travailler dans les feux de l'enfer", Eunice Waymon devint bientôt Nina (petite fille en espagnol) Simone en référence à l'actrice française Simone Signoret. En 1993, elle s'installe à Bouc Bel Air près d'Aix en Provence. Dans son autobiographie, elle écrit : "la fonction d'un artiste est de faire en sorte que les gens ressentent les choses profondément". Souffrant d'un cancer du sein depuis plusieurs années elle mourra dans son sommeil le 21 avril 2003 dans sa maison de Carry le Rouet où elle venait de s'installer. Elle aura été l'une des artistes les plus extraordinaires du XXe siècle, une icône de la musique américaine, qui a utilisé son talent remarquable pour promouvoir la libération, l'émancipation, la passion et l'amour à travers un ensemble d'œuvres magnifiques. Elle a gagné le surnom de «High Priestess of Soul» (grande prêtresse de la Soul) car elle était capable d'envouter son auditoire qui, complètement absorbé dans l'instant présent, en perdait la notion du temps et de l'espace. |
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